Pantoufle de vair ou pantoufle de verre ?

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Homophonie séculaire, elle est à l’origine d’une controverse sérieuse dans le monde du conte de fées. Le lien qui permit au Prince charmant de retrouver Cendrillon était-il une pantoufle de vair ou une chaussure en verre ? Si le conte de Perrault et le dessin animé de Disney sont sans équivoque sur le sujet, la polémique veut que la fourrure d’écureuil petit-gris prenne le pas sur le verre délicat. Aussi enflammée que le problème de l’œuf ou de la poule, penchons-nous sur cette question. 

Pantoufle de vair vs pantoufle de verre : la controverse

Si l’on connaît l’histoire de Cendrillon telle qu’elle nous a été transmise par Charles Perrault à la fin du 17° siècle, son origine est bien plus ancienne. Comme tout conte de fées, il est issu de la tradition orale, et on en retrouve des versions différentes dans de nombreuses cultures. 

Ainsi, Perrault nous livre sa version sous le titre « Cendrillon ou la petite pantoufle de verre », reprise par Disney dans les années 50. 

Plus tard, dans un roman sur Catherine de Médicis, Balzac sème la zizanie, sans doute sans même le vouloir. Un de ses personnages, peIletier — spécialiste et professionnel des peaux — affirme qu’il y a eu une erreur de traduction et que la chaussure en verre était en réalité une pantoufle de vair, de la fourrure d’écureuil. 

Depuis, les deux hypothèses s’affrontent et déchaînement (rien de moins !) le monde du conte de fées. Chacun y va de son interprétation. 

Chaussure en verre : la version originelle

Pantoufle de vair ou pantoufle de verre  cendrillon

Les membres de la team « chaussure en verre » ne manquent pas d’arguments pour défendre leur version. 

  • À l’époque où se déroule le conte de fées, le verre était une matière nouvelle, précieuse, et par là même rare, presque magique
  • Cendrillon était amie avec des souris, des oiseaux : une pantoufle de vair — en fourrure de petit-gris, donc — aurait été un non-sens de premier choix
  • Léger, fragile et délicat, le verre est une matière qui correspond totalement à la princesse de conte de fées
  • À cette époque, les chaussures en fourrure ne couvraient pas le talon, elles avaient plutôt la forme de mules. De plus un soulier de vair aurait été suffisamment extensible pour convenir à plusieurs pieds. Ce qui ne colle pas avec les essayages de la chaussure en verre à travers tout le royaume, jusqu’à ce que le Prince charmant retrouve Cendrillon
  • Enfin, Charles Perrault était membre de l’Académie française. Il y a donc très peu de chances qu’il ait pu commettre une aussi grossière erreur de traduction, transformant la pantoufle de vair en chaussure en verre

Cendrillon et la pantoufle de vair : une erreur de traduction ? 

Pantoufle de vair ou pantoufle de verre  erreur de traduction

D’après le personnage de Balzac et ses supporters de la pantoufle de vair, l’erreur de traduction ne fait aucun doute. 

Des étudiants britanniques ont même mené une étude sur le sujet. (Et après, on dira que ce sont les étudiants en sociologie qui passent leur journée à ne rien faire !). D’après leurs estimations, Cendrillon ne devait pas peser plus de 55 kg, et chaussait du 37. Il était donc impossible qu’elle marche, danse, ni même ne dévale des escaliers chaussée d’escarpins en verre. Ils se seraient fatalement brisés sous son poids, après l’avoir fait souffrir durant tout le bal. Selon cette étude, la chaussure en verre ne serait crédible que s’il s’agissait de chaussures plates, et qu’elle soit restée à faire tapisserie toute la soirée. Soit dit en passant, le conte de fées aurait sans doute été moins célèbre si Cendrillon avait usé toutes ses vies à CandyCrush en sirotant un MoscowMule pendant le bal à cause de ses chaussures ! Nul doute que le Prince charmant serait reparti sans elle. 

Enfin, même en vieux français, une pantoufle de vair ou non, est différente d’un soulier ou d’un escarpin. Chaussure d’intérieur confortable, la fourrure d’écureuil se prête parfaitement à sa confection. Plus que le verre en tout cas ! 

Soulier de vair vs chaussure en verre : le bilan

L’heure du duel a sonné. Qui des partisans de la pantoufle de vair ou de la chaussure en verre a raison ? Quels arguments sont les plus à même d’emporter l’adhésion ? 

Chacun. e est bien entendu libre d’avoir son opinion. Mais il ne faut pas perdre de vue que la marraine de Cendrillon, la bonne fée, a transformé une citrouille en carrosse ! Un vieux chien en valet de pied, un cheval en cocher et des souris en chevaux ! Qu’elle a transformé les haillons de Cendrillon en robe de soie et d’argent … À partir de là, que la plus célèbre chaussure soit en verre n’étonnera personne ! Et ce, en dépit de toutes les préoccupations matérielles les incohérences scientifiques. Pour ma part, la légitimité de Perrault en tant qu’Académicien couplée à la dimension magique du conte de fées suffit à me faire voter pour la chaussure en verre. Et vous ? 

Ils vécurent heureux grâce à une chaussure en verre

S’il y a eu – je vous l’accorde — des débats plus brûlants que celui-ci, il mérite toutefois notre attention. Qui de la raison ou de la magie l’emporte ? Si le Prince charmant avait retrouvé une pantoufle de vair, Cendrillon lui aurait-elle autant plu ? Toute la magie de ce conte de fées tient-elle dans la fragilité d’une chaussure en verre ? 

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